Le billet du chef - début octobre 2010

 

 

 

 

Les exercices du chef

 

 

L'une de ces étranges coutumes qui surprennent toujours le nouveau venu et qui font la marque unique de cette étrange tribu que constitue le CIMI est la distribution solennelle de photocopies reproduisant une page de musique copiée de la main même du Chef.
Ecriture aujourd'hui lisible et soignée. Définitivement dépourvue toutefois de la moindre petite trace d'un quelconque talent pour les arts graphiques.
De telles pages se nomment "exercices du Chef".

Les exercices du Chef sont accueillis - ou tolérés. Ils sont acceptés - ou subis. Souventes fois - souventefois -, ils passent directement à la trappe.
Les exercices du Chef sont une marotte, un caprice, une folie.

A la vérité cependant toute répétition normale et ordinaire est peuplée d'exercices du Chef. Le Chef en possède une collection rare et bigarrée qu'il cherche toujours à compléter, et la plupart de ces exercices du Chef n'ont pas besoin un seul instant de la distribution solennelle d'une seule photocopie. Travailler un passage lentement, s'arrêter sur une dissonance, isoler un membre de phrase, reprendre à un endroit stratégique sont autant d'exercices du Chef et aussi d'autres Chefs. Les exercices du Chef peuvent fonctionner. Ils peuvent être un échec.

Les exercices du Chef peuvent avoir un effet immédiat. Ils peuvent réclamer patience et persévérance.

Les exercices du Chef - nous voulons dire les exercices du Chef qui font l'objet d'une distribution solennelle de photocopies - sont strictement réservés aux musiciens du CIMI. Secrets de la tribu.
C'est évident.
C'est entendu.

Nous pouvons bien toutefois soulever ici un coin du voile. Un coin.
Pas plus.
Le voici.

A l'occasion de la mise en chantier du mouvement lent du Concerto pour violon en la majeur Hob, VIIa:3 de Haydn, le Chef a composé une phrase assez élaborée inspirée peut-être de certains bavardages -- bavardages qui lui furent autrefois familiers - du compositeur-flûtiste-pianiste virtuose danois d'origine allemande Friedrich Kuhlau (1786-1836) - nous n'avons pas voulu viser trop haut : l'Histoire de la Musique, on s'en doute, regarde Kuhlau avec condescendance ; elle nous apprend pourtant aussi que Kuhlau échangeait des canons avec un certain Ludwig van Beethoven. Ladite phrase de la main du Chef - il est temps d'y revenir avant que de nous égarer pour de bon -, d'une sensiblerie manquant de la plus élémentaire pudeur, donna lieu à plusieurs séances de franche rigolade. Un bon point déjà pour le Chef.
Il reste que nul ne saura jamais avec la certitude du scientifique si notre supposée pratique de cet exercice du Chef a porté des fruits.

Alors donc voilà seulement des faits.
Le concerto en la majeur de Haydn ne fut redécouvert qu'en 1949. Certains critiques jugèrent alors que toute inspiration faisait défaut au mouvement lent (Préface de l'édition "Urtext" G.Henle Verlag). Nous avons personnellement vécu cette page avec intensité. Et nous sommes certains de ne pas être restés isolés à nous abîmer dans cette contemplation sereine.

Souventes fois - souventefois -, nous jugeons que toute inspiration fait défaut à certains critiques.
Souventes fois - souventefois -, nous jugeons que toute inspiration fait défaut à certains intellos que nous aimons bien et qui gagneraient à pratiquer avec ferveur les "exercices du Chef".  

 

 

 

Emmanuel Pirard, 5 mars 2010

 

 

Université de Liège - Culture

Page mise à jour le 17 octobre 2010

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Orchestre à cordes de l'Université de Liège
Cercle Inter-facultaire de Musique Instrumentale