Le billet du chef - septembre 2012

 

 

 

 

 

Spirales



La légende est jolie. Elle est riche d'enseignements. Il nous faut, comme le griot que quelquefois nous rêvons d'être, la redire.


En 1963, lors d'une conférence scientifique fort ennuyeuse, le mathématicien polonais Stanislaw Marcin Ulam laissait aller machinalement son crayon sur les espaces encore libres de la feuille un peu chiffonnée qu'il avait déposée devant lui. Plutôt que de griffonner sauvagement des clés de sol, comme nous pourrions certainement être amenés à le faire si par malheur nous devions être contraints de subir une conférence traitant doctement de "musique contemporaine", Stanislaw Marcin Ulam aligna en bon ordre des entiers successifs, tout en les enroulant consciencieusement dans une espèce de spirale carrée. Son crayon resta immobile un moment, puis, changeant de cap, reprit son errance. Plutôt cette fois de griffonner furieusement des dièses ou des bémols, le mathématicien polonais entoura avec application chacun des nombres premiers qu'il rencontra.
 

Quelques clics suffiront ici au fidèle lecteur des "billets du Chef" pour en apprendre autant et beaucoup plus que ledit Chef sur la "spirale d'Ulam".
 

Clic ! Clic !
 

Le fidèle lecteur des "billets du Chef" a disparu. Reviendra-t-il ?
Nul ne le sait,
 

Car il faut l'admettre sans détour. La découverte de la "spirale d'Ulam", c'est-à-dire la découverte d'un lien tangible entre les nombres premiers, saisit totalement.
 

Cette étincelle semble être la promesse d'un plein embrasement.
 

C'est, nous l'imaginons, ce qui valut à la "spirale d'Ulam" - ou "spirale des nombres premiers" ou encore, dans d'autres langues, "horloge d'Ulam" - de faire la couverture du "Scientific American" en mars 1964.
 

Las ! la promesse est un leurre.
 

Que la "spirale d'Ulam" soit représentée sur le couverture du "Scientific American", sur l'écran de votre P.C., sur la feuille un peu chiffonnée sur laquelle vous griffonnez, sur le rouleau précieux d'un Maître calligraphe ou sur la façade d'un Institut de Mathématiques n'y change rien : la "spirale d'Ulam" n'est guère qu'un témoignage de plus - témoignage totalement saisissant - de la fascination qu'exercent sans fin, depuis que l'homme compte et pense et calcule, les nombres premiers.


Le fidèle lecteur des "billets du Chef" n'est pas revenu.
 

Un tourbillon magique et maléfique l'aura emporté vers d'aveugles et divertissantes ténèbres.
 

Dommage.
 

Nous aurions aimé profiter de l'occasion pour l'entretenir d'une autre spirale qui nous tient à cœur et qui semble échapper pour de bon à tous les Grands Prêtres de la "musique contemporaine". C'est cette autre spirale que le musicien - qu'il soit flûtiste, pianiste, violoncelliste, accordéoniste, diva ou chef d'orchestre n'y change rien - doit à chaque instant trouver et trouver encore s'il souhaite toucher le silence véritable et contempler l'infini.
 

La nature de cette autre spirale reste mystérieuse.

 

"Non-computable" peut-être.




Emmanuel Pirard, le 12 février 2011

 


 

 

Université de Liège - Culture

Page mise à jour le 12 octobre 2012

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