Le décodage du second pupitre
L'imagination peine à forger une métaphore qui serait apte à faire
comprendre,
ne fût-ce qu'imparfaitement, ce que cela signifie vraiment
de diriger un orchestre comme le CIMI.
Il est notoire en effet que la plupart d'entre nous n'a pas payé à
suffisance
son écot aux souffrances mythologiques de l'apprentissage instrumental,
aux gammes et arpèges enfilés sans discontinuer
comme les perles amères d'un rosaire temporel,
pas plus qu'elle n'a souscrit à cette forme particulière d'anachorétisme
que se doit la jeunesse mélomane et qui,
s'il n'en est cruellement pas la condition suffisante,
est sans doute quand même la condition nécessaire
à l'acquisition de toute compétence instrumentale digne de ce nom,
et le cas échéant à l'éclosion d'un véritable talent musical.
Bref, dans ces conditions, après moultes hésitations,
peut-être en viendra-t-on à trouver adéquate
l'image un peu désuète du général d'une armée en déroute,
seul guide et ultime espoir d'une colonie de poilus transis,
empêtrés, pataugeant dans la boue glacée et la neige,
et qui jettent vaillamment leurs dernières forces dans la bataille
en sacrifice désespéré et désintéressé à une idée,
un concept immatériel, la Patrie.
Certes il y a dans toute armée,
se trouvât-elle dans la plus insigne débandade,
des officiers, soldats d'exception qui,
l'oeil aux aguets, la narine frémissante,
hument la déclivité du terrain et la direction du vent,
pressentent et anticipent les ordres, et agissent en toute circonstance
avec à propos et discernement :
ce sont les solistes et sur leurs épaules carrées repose un poids écrasant.
Mais pour tous les autres, il s'agit d'établir un langage de commandement
différent,
plus symbolique, plus spontané, une rhétorique toute particulière de la
harangue,
un bestiaire échevelé d'images qui, serinées sans cesse au seuil de chaque
bataille,
sauront, le moment opportun venu, dans le feu le plus vif de l'action,
revêtir soudain leur signification réelle...
instantanément... et, sans nul doute aussi, inconsciemment.
Ces paroles aux vertus proprement magiques
sembleront à d'aucuns cryptiques, ésotériques,
voire même, parfois, parfaitement absconses.
Mais pour en avoir décodé quelques unes, il nous est apparu petit à petit
qu'elles recelaient toujours une part de vérité,
qu'elles apportaient par bribes des réponses
à ce mystère vieux de plusieurs millénaires :
qu'est-ce que c'est exactement faire de la musique ?
(F.H.)
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